Budget participatif à Roubaix : un début timide mais un début quand même ...

Publié le 7 Décembre 2018

 

Au conseil municipal de Roubaix, j'ai soutenu la délibération sur la mise en place d'un budget participatif sur l'un des quartiers de Roubaix, même si c'est un début modeste, c'est une avancée pour les roubaisiens.

 


 

photo Budget Participatif au Lycée
Jean Moulin de Roubaix 

 

Ce que je n'ai pas exprimé lors du Conseil Municipal, c'est un regret, profond, celui de savoir que dès que l'équipe de Xavier Bertrand est arrivée au pouvoir aux dernières élections régionales, parmi tous les reculs observés, il y a eu la suppression du Budget Participatifs des Lycées que j'avais mis en place. A mon départ, 80 lycées de la région étaient engagés, tous devaient l'être à terme. Mis à part l'ESAAT tous les lycées de Roubaix plus Zola à Wattrelos et Cousteau à Wasquehal en ont bénéficié. L'ignorance et l'idéologie ont prévalu pour un choix qui encore aujourd'hui ne manque pas de surprendre, quand on se plaint de la mauvaise utilisation de l'argent public ou des lacunes citoyennes et civiques de jeunes. Dans la majorité municipale, Guillaume Delbar et Milouda Ala tous deux au conseil régional sont redevables de ce gâchis.

 

Revenons au Conseil Municipal

 

Je suis certaine que le budget participatif sera bénéfique pour les roubaisien.ne.s, non pas principalement par les investissements et réalisation concrètes qui en découleront, mais bien par la démarche de capacitation, de dialogue et de rétablissement de l’habitant comme être décidant et non subissant. Je suis profondément convaincue que ce type de démarche bâtit de la citoyenneté active

 

Il y a des aspects positifs dans ce qui nous est proposé : un démarche bien organisée, qui évite quelques écueils et globalement un règlement intérieur transparent et probablement fonctionnel...

 

Voici par ailleurs les points de questionnement et de réflexion que j'ai soumis

 

1. La Ville choisi de permettre aux enfants dès 7 ans de participer tant en apport d’idées qu’en vote sur les projets. C’est courageux, je soutiens ce choix, les enfants sont des personnes et il est temps d’arrêter de les ignorer comme usagers et acteurs de la Ville. J’imagine que des médiations spécifiques seront mises en place pour leur permettre d’être acteurs.

Corollaire et précautions : il faut un engagement éthique et un vigilance à ce que les enfants ne soient pas savamment orientés vers les propositions ou les votes à défendre.

Je ne fais pas de procès d’intention, mais j’ai l’expérience d’avoir mis en place le BPL et j’ai pu observer des attitudes certes ponctuelles mais très surprenantes de professeurs usant de subterfuges pour peser sur les choix et il a fallu y mettre le hola. Oui parfois des adultes sont des enfants. Donc protégeons la construction libre par les enfants, les vrais ...

 

2. Le règlement est très précautionneux, il met beaucoup de cadres qui visent à rassurer l'administration, comme de préserver la pré-eminence technique de la sélection des projets estimés faisables ou ne pas avoir d‘impact en terme de couts de fonctionnement ; Pour en donner un exemple - quand vous dites les projets devront relever d’une ou plusieurs compétences exercées par la ville– souci de sécurité juridique, il vaudrait mieux expliciter concrètement quels sont ces champs, car qui connaît ces compétences, et cela pourrait être sujet à interprétation. Prenons un exemple les déchets ne sont plus de compétence communale, mais qui dirait aujourd’hui que la commune ne s’en saisit pas, du compostage de quartier à l’économique circulaire ? donc restons simple, soyons plus direct et surtout ne nous enfermons pas... 

 

3. Troisième point, il y a une restriction sur le suivi des projets par les habitants qui est dommageable.

 

Dans le processus proposé par la Ville à partir du moment où le projet sera retenu, on sort l’habitant de la démarche cela devient une affaire des techniciens qui vont ajuster les choix de mise en œuvre et procéder à la réalisation. Il est notamment indiqué que la ville n’est pas tenue d’informer les porteurs d’idée initiaux, c’est une erreur.

 

Je crois qu’il faut informer l’habitant ou le groupe qui est à l’origine de la proposition retenue, cela ne veut pas dire qu’il en devient le propriétaire, mais juste qu’on le considère et que l’on reconnaît dans sa contribution. C’est ce genre de chose qui contribue au lien citoyens / institution et le climat actuel montre combien c’est indispensable.

 

Ensuite, il faut considérer que dans de nombreux cas les projets qui réalisés par la ville peuvent intégrer en phase de mise en œuvre la place des habitants, celle des usagers concernés. Ou sinon, il ne faut pas avoir de discours sur les démarches design ... Cela veut dire qu’il peut y avoir un comité de suivi de projet avec un dialogue technicien/habitants, parce qu’un projet vraiment réussi est celui qui place l’usager au cœur du processus de conception. Le diable est dans le détail et l’expertise d’usage, si vous voulez récolter le fruit il faut aller jusque-là...

 

Par ailleurs, il faut assurer la transparence complète de l’instruction technique, car sinon si la suspicion détruira la crédibilité de la démarche. Cela veut dire que les gens n’ont pas seulement besoin de savoir où en est le projet, mais aussi pourquoi sont retenus ou écartés des projets, et pourquoi sont opérées des adaptations ... il doit pouvoir un dialogue la-dessus, la transparence est la condition de la légitimité des projets ... 

 

4. Quelle ambition ? 

100 000 €, un seul quartier ...

 

Coté verre à moitié plein : il faut bien commencer...

 

Côté verre à moitié vide : C'est peu.

 

Quand j’ai lancé le Budget Participatif des Lycées, c’était 100 000 € pour un seul lycée et tous les 2 ans... Les  lycées de Roubaix et de Wattrelos en ont bien bénéficié. C’était ramené à la proportion d’un lycée, l'équivalent de 10% de l’enveloppe d’investissement dédiée aux lycées en Région Nord-Pas-de-Calais.

 

Aujourd’hui en France, les Budgets participatifs ont explosé : il n’y en avait quasiment pas il y a 3 ans : il y en a maintenant 80.

Alors prenons quelques exemples

- Mettons de côté la Ville de Paris 45€ par habitants et par an. C’est hors norme...

- Mais regardons Rennes 16 € par habitants, Grande-Synthe 22€ par habitant,

- Et plus près de nous Lille, c’est 1,5 M€ soit 6,5 € /hab, déjà ça diminue ...

mais en moyenne sur le territoire français on en est à 7,5 € par habitants

 

Alors cela donne quoi sur Roubaix ? j’ai ramené cela à la population du grand quartier on en est à 5,20€, très en deça de la moyennes.

 

J'invite donc la ville à avoir plus d’ambition pour atteindre au moins la moyenne et surtout pour concerner dès 2020 tous les quartiers, et pas le seul quartier Est.

 

A l’attention de mes collègues, je voudrais rappeler 2 élément fondamental du Budget Participatif :

 

  • D’abord ce sont les habitants qui décident in fine, et l’accepter c’est la grandeur de la démocratie représentative, c’est en cela que ce qui est fait ici n’a rien à voir à affecter un budget à la mairie de quartier qui en dispose comme elle l'entend.
  • Et d’autre part, il ne s’agit pas ici d’argent supplémentaire qu’il faut trouver pour ces actions de budget participatif, mais bien de retenir un autre processus de décision pour choisir des priorités d’action dans un budget d’investissement qui existe. C’est une réorientation dans la façon de faire...

Et ce qui est normalement formidable c’est que cette façon de faire garantie un grand nombre de valeurs sociétales positives : le renforcement de la citoyenneté, la satisfaction des usagers, la meilleure protection des investissements par la qualité de l’appropriation sociale qui en résulte, le renforcement du lien social et de la confiance dans l'action publique...

 

Et cela par les temps qui courent cela n’a pas de prix.

Budget participatif à Roubaix : un début timide mais un début quand même ...

Rédigé par myriamcau.fr

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